provoquer la ruée, les bananes

t k

Senior Member
Korean - Korea
Bonjour.
"Les bananes", que veut-il dire ici ?
Les larges sourires, peut-être ?
Merci d'avance et bonne journée. --- tk

Tout ce qui constituait la première fois depuis la guerre provoquait la ruée, les bananes, les billets de la Loterie nationale, le feu d’artifice. ( Les Années, Annie Ernaux )
 
  • La phrase prise isolément est en effet mal ponctuée. Mais il faut considérer le récit dans sa totalité. Partout, la ponctuation est le plus souvent volontairement peu orthodoxe. Il y a des blancs, des signes manquants, des bouts de phrases ou de longs paragraphes sans enchaînement apparent, d'autres laissés en suspens, etc. C'est une représentation très réussie de l'afflux des souvenirs de tout l'environnement (sonore, visuel, langagier...) des époques traversées tels qu'ils se bousculent à la conscience de la narratrice anonyme ; donc sans logique le plus souvent, parfois par association d'idées, d'impressions ou de situations. Ce sont des échos, en quelque sorte, de ce que fut le quotidien des décennies évoquées.
     
    Last edited:
    "Représentation très réussie de l'afflux de souvenirs", pour certains peut-être, mais en l'occurrence, t k n'avait semble-t-il pas compris que le verbe provoquer n'avait pour COD que la ruée et pas deux COD (la ruée et les bananes/larges sourires), voire trois ou même les quatre mots de la liste. ;)
    Si ce n'est pas faute à la ponctuation qui laisse à désirer, à quoi d'autre ?
     
    Ce n'est pas parce qu'un fatras d'idées se bousculent dans la tête de l'auteur ou du narrateur qu'il faut jeter la confusion chez les lecteurs en employant une ponctuation aléatoire, pire, carrément impropre et produisant des contresens. Il y a suffisamment de moyens à disposition des écrivains pour parvenir à un texte compréhensible. Trop d'auteurs se laissent aller à employer une ponctuation déficiente sous le fallacieux prétexte de donner un style à leur texte.
     
    Pour moi, cette ponctuation ne laisse pas à désirer et ce n'est pas une négligence. La ponctuation peut être suffisamment souple. Sur ce détail précis, la précipitation désordonnée est mieux donnée à ressentir par cette virgule que par les deux-points.
    Mais il est bien normal qu'un lecteur dont ce n'est pas la langue maternelle demande à y voir plus clair et je pense que nos réponses ont été claires.
     
    La ponctuation peut être suffisamment souple.
    Jusqu'à un certain point. Et ce point est atteint lorsque la syntaxe de la phrase est bafouée comme ici. En effet, la phrase dit littéralement que « tout ce qui constituait la première fois depuis la guerre provoquait » non seulement « la ruée », mais aussi « des bananes », et encore « les billets de la Loterie nationale » et enfin « le feu d’artifice », ce qui n'a bien entendu aucun sens.
     
    Ce n'est pas parce qu'un fatras d'idées se bousculent dans la tête de l'auteur ou du narrateur qu'il faut jeter la confusion chez les lecteurs en employant une ponctuation aléatoire, pire, carrément impropre et produisant des contresens. Il y a suffisamment de moyens à disposition des écrivains pour parvenir à un texte compréhensible. Trop d'auteurs se laissent aller à employer une ponctuation déficiente sous le fallacieux prétexte de donner un style à leur texte.
    Annie Ernaux n'a pas demandé à être modérée, laissez-la écrire comme ça lui chante.
     
    Si elle veut écrire n'importe comment, c'est son affaire. Elle devrait toutefois se rappeler que si elle publie des romans, c'est tout de même dans le but qu'ils soient lus et compris ! Peut-être devrait-elle penser un peu plus aux lecteurs qui la liront…
     
    un lecteur dont ce n'est pas la langue maternelle
    Il n'y a pas que pour eux que la lecture des livres d'Annie Ernaux est parfois déroutante.
    J'ai lu la plupart de ses livres et, je l'avoue, il y a certains passages que j'ai dû lire à plusieurs reprises pour y voir clair .... et parfois ça m'a agacé. Une ponctuation un peu plus "orthodoxe" ne nuirait certainement pas à son message, à mon humble avis.

    Dans le Rapport de jury de l'agrégation d'anglais (2012) où il fallait traduire justement un extrait de texte d'Annie Ernaux contenant la phrase citée (OP), le jury écrit (p.74/75)
    La ponctuation est souvent libre, voire inexistante. Elle aussi participe de ce travail sur la mémoire et le temps.
    Je n'en suis pas vraiment convaincu.

    Petit détail amusant: dans la Proposition de traduction, le deux-points est bien présent, donc recommandé. ;)
     
    Petit détail amusant: dans la Proposition de traduction, le deux-points est bien présent, donc recommandé. ;)
    Intéressant ! Dans la traduction anglaise publiée (merci Upswing), on trouve un tiret ; ce qui dans cette phrase est équivalent au deux-points.
    (Pourvu que personne ne propose un paragraphe de Céline. Tant de phrases à redresser ! On ne s'en sortirait pas.) 😉
     
    Signaler que la ponctuation orthodoxe voudrait qu’on mette un deux-points à cet endroit du texte est une chose, rien à redire à ça, mais, sur cette base, accuser une auteure de ne pas savoir écrire, d’être irrespectueuse ou de faire sa maline, c’est aller trop loin dans le jugement. Trop loin, trop vite et à côté de la cible.
     
    si elle publie des romans, c'est tout de même dans le but qu'ils soient lus et compris ! Peut-être devrait-elle penser un peu plus aux lecteurs qui la liront…
    Je ne suis pas certain que ce soit un argument bien "recevable" : on a des cas célèbres de textes sur lesquels l'incompréhension a longtemps été la réaction majoritaire et d'auteurs qui refusaient toute facilité à leurs lecteurs (à commencer bien sûr par les Surréalistes).

    Quelques noms ou titres qui me viennent à l'esprit immédiatement :
    Lewis Carroll - Jabberwocky
    James Joyce - Finnegan's Wake (et je ne crois pas qu'on puisse matériellement surpasser une telle oeuvre dans ce domaine)
    Malcolm Lowry - Au-dessous du volcan
    Georges Perec - La disparition, Les Revenentes, La vie mode d'emploi (avec en fait tous les auteurs de l'OuLiPo en général)
    Raymond Roussel
    J.D. Salinger - Nouvelles (dont beaucoup nécessitent un grand effort "psychologique" pour comprendre les motivations des comportements de ses personnages)
     
    Et ne parlons pas d'e.e. cummings (qui refusait les majuscules !) ou de José Saramago. Laissons les (bons) auteurs et les (bons) éditeurs maîtres de la ponctuation qu'ils ont délibérément choisie. Nous pouvons, si nous nous adressons à des apprenants, dire que cet emploi de la ponctuation n'est pas celui de la langue standard sans porter de jugement. Professeure de lettres, Annie Ernaux a choisi une ponctuation plus libre que celle qu'elle enseignait probablement à ses élèves au lycée... oui, et alors ?
     
    Tu sembles demander "Et alors ?" comme si peu importait son choix de ponctuation.
    Il a une importance, et pas des moindres, sur le sens de la phrase — et il est permis de douter que nous ne soyons que deux ou trois à buter sur cette fâcheuse virgule ou qu'il se trouve des critiques qui la trouvent bien inspirée.

    On peut répondre à "Et alors ?" que peu importe sa libre ponctuation, laissons son lectorat libre de l'apprécier, mais laissons également d'aucuns répondre "Annie Ernaux, très peu pour moi !". :)
     
    Une chose est de dire « je n'aime pas » ; une autre est de dire, de façon générale, que c'est mauvais. On a le droit d'aimer ou non le style d'Annie Ernaux. Il y a beaucoup d'auteurs que je n'aime pas. Je ne les condamne pas pour autant. :)

    Quand je dis « et alors ? », je ne veux pas dire que je ne donne pas d'importance aux choix de ponctuation d'A.E. mais que j'en donne, au contraire, à la liberté qu'elle prend de ponctuer de façon inhabituelle (cf. supra, le rapport du jury d'agreg), et que c'est précisément parce qu'elle connaît les règles qu'elle peut s'en écarter. Est-ce que cela me dérange ? Oui, peut-être, au début ou à l'occasion. De même, on peut être dérouté par les longues périodes proustiennes.

    Pour en rester à la phrase qui fait l'objet de ce fil, de dirais ceci : oui, la phrase aurait été plus claire avec deux points avant « les bananes ». Oui, le sens de bananes est littéral. Si Annie Ernaux avait glissé (ce qui m'étonnerait) le sens de grands rires dans le contexte de la Normandie après la Libération, c'eût été un anachronisme et j'aurais peut-être, moi aussi, dit que le texte était mal écrit et peu soigné. Mais la ponctuation est simplifiée ou omise intentionnellement pour suivre les évocations qui naissent sous la plume d'A.E. et se superposent dans le souvenir. Il y a d'autres occurrences dans le texte :
    De l’épopée flamboyante il ne restait que les traces grises et muettes des blockhaus au flanc des falaises, des monceaux de pierre à perte de vue dans les villes. Des objets rouillés, des carcasses de lit en ferraille tordue surgissaient des décombres.
    Moi, j'aurais probablement mis une virgule après flamboyante car je ne suis pas Annie Ernaux, et mon texte en eût été, peut-être, moins expressif.
    On aime ou on n'aime pas.
     
    Last edited:
    Bonjour,

    La question originale de ce fil est de connaître le sens du mot banane. Nous sommes apparemment tous d'accord pour dire qu'il s'agit du sens propre, du fruit. Si vous avez un avis différent quant au sens de banane, vous êtes libres de répondre dans le fil pour donner votre avis.

    En revanche, toute la discussion au sujet de la ponctuation sort du cadre de ce fil et, en fait, de ce forum. Veuillez donc s'il vous plaît vous abstenir de continuer la discussion à ce sujet.

    Merci de votre compréhension.

    Maître Capello
    Modérateur

    P.S.: Message croisé avec Philippides. Je n'ai pas voulu lancer de débat avec mon message #3 ; j'ai juste voulu expliquer pourquoi la phrase était difficilement compréhensible (pour rester politiquement correct ;)).
     
    Back
    Top